Réussir son télétravail

Parallèlement à la crise sanitaire, un autre phénomène s’est propagé rapidement et irrésistiblement dans nos vies : le travail à distance. Comment réussir son télétravail ?

Le contexte

Souvenez-vous … Dès mars 2020, le Président de la République annonçait le premier confinement. Parmi les mesures annoncées, le télétravail devenait la règle dans toutes les entreprises où sa mise en place était possible. Objectif : limiter les contacts humains sur le lieu de travail et dans les transports.

La vie quotidienne de millions de salariés, de fonctionnaires ou d’ indépendants venait de basculer. La performance de la connexion internet se substituait en une nuit à la performance des connexions de transports. La table du salon devenait un nouvel espace de travail. Le logement devenait le nouvel open space pour de longues semaines. Réussir son télétravail est désormais un impératif.

Pour une large part des travailleurs concernés, l’opportunité d’économiser des heures de transports et de stress rendait l’expérience assez exaltante.

Les semaines et les mois ont passé. 18 mois après l’annonce du premier confinement, où en sommes nous ?

En 2019, avant le début de la pandémie, environ 4% des salariés travaillaient partiellement à distance, au moins un jour par semaine. En mai 2021, ils étaient presque 60%. Nous avons donc à présent un retour d’expérience inédit, sur un vaste échantillon de population.

Les modalités du télétravail

Avant la crise, le télétravail résultait soit d’une facilité laissée à certains salariés, soit d’un accord formalisé. En effet, la perte de temps liée aux transports dans certains bassins d’emploi rendent le télétravail très attractif.

La technologie offre de nouvelles possibilités (réseaux à haut débit, VPN sécurisé, bureaux virtuels, applications de vidéoconférence, …). Elles permettent de concilier les exigences de performance, d’ergonomie utilisateur et de sécurité informatique. Le salarié, équipé d’un ordinateur portable fourni ou non par son entreprise, retrouve chez lui son environnement de travail.

Néanmoins, il me semble utile de rappeler une évidence : tous les métiers ne se prêtent pas au télétravail. Selon les sources, entre 30% et 65% des métiers pourraient faire l’objet de télétravail. Certains métiers, par exemple de l’artisanat, sortent évidemment du champ du télétravail. En effet ils supposent un contact avec une matière, une présence physique avec des clients, etc.

Au moment où la situation sanitaire semble s’apaiser un peu, les autorités ont mis fin au télétravail obligatoire. Les entreprises sont désormais priées de mettre en place un accord conventionnel pour prendre le relais du cadre réglementaire. Chaque entreprise va donc discuter avec les représentants de ses salariés pour adapter les dispositifs existant avant la crise ou les mettre en place s’il n’en existait pas.

La tendance générale qui semble se dégager oscille entre deux et trois jours de télétravail. Cela suppose la mise à disposition d’un matériel suffisamment performant pour les exigences des tâches à accomplir, une prise en charge totale ou partielle des aménagements liés au télétravail (siège ergonomique, bureau, box Internet, assurance, etc.) et une discussion entre le salarié et son entreprise sur la souplesse éventuelle en termes d’horaires. Bien entendu, suivant les entreprises, d’autres dispositions pourront faire l’objet d’un accord.

Les impacts du télétravail sur le télétravailleur

Durant la crise, on a pu lire des réactions très disparates sur le sujet. Certains prétendaient que les personnes en télétravail en profitaient pour faire tout autre chose que leur travail, d’autres que le télétravail était un enfer, d’autres enfin nous annonçaient la fin définitive de l’entreprise physique et que dès demain tout serait fait à distance.

Prenons un peu de recul sur ces positions et faisons le point sur ce que l’essor brutal du télétravail nous a appris.

Ne pas confondre télétravail choisi et télétravail subi.

Les chances de bien vivre le télétravail sont bien meilleures si on en ressent le besoin et si son lieu de vie le permet.

Les conditions suivantes me semblent essentielles :

  • une pièce dédiée au travail ou au moins un espace au calme dans le logement,
  • une connexion haut débit stable,
  • une règle du jeu claire avec l’entreprise et son manager.

En revanche, on a pu voir que certains couples se retrouvaient “coincés” dans un appartement exigu. Et la fermeture des écoles a ajouté à la difficulté. On comprend bien que le vécu de la situation n’est pas le même …

Chaque situation est singulière et réussir son télétravail suppose que le télétravail soit choisi et non subi chaque fois que c’est possible.

Développement des espaces partagés

De type open space (suppression des cloisons et bureaux individuels privatifs) ou flexwork (pas de bureau attitré, on s’installe le matin là où il y a de la place), ils ont depuis longtemps été identifiés comme facteurs de stress. Ces modèles devaient favoriser les échanges et la créativité. Ils ont surtout été utilisés par les entreprises comme facteur de gains immobiliers en réduisant les surfaces de bureaux.

Autre conséquence du télétravail qui explique également qu’il est plébiscité par une écrasante majorité des salariés : c’est un moyen d’échapper à des environnements toxiques ou conflictuels. En revanche, il n’en traite pas la cause.

Isolement et coupure de l’organisation

L’essor du télétravail a constitué une opportunité pour les salariés qui étaient en souffrance sur leur lieu de travail.

Mais une étude de 2021 portant sur 15.000 salariés en télétravail révèle que 2/3 d’entre eux ressentent un sentiment d’isolement et de coupure du reste de leur entreprise. Ils relèvent également une dégradation de l’esprit d’équipe et de la qualité des réunions.

Ce point peut sembler paradoxal, car dans le même temps, 47% des salariés en télétravail déclarent que leur charge de travail et leur temps de travail ont augmenté. On travaille plus, mais de plus en plus seul.

Ce point est critique, car ce sentiment de solitude génère de la souffrance chez les salariés concernés. Il les fragilise au regard des risques d’épuisement professionnel ou de burnout. Maintenir le lien entre le collaborateur, ses collègues et l’entreprise est essentiel pour une résilience individuelle suffisante. D’ailleurs 31% des salariés interrogés déclarent que le télétravail en période de confinement a eu un impact négatif sur leur santé psychologique (difficultés à se déconnecter du travail, charge mentale, stress).

Technologie vs. Humains

Dans une tribune parue le 6/09/2021 dans Les Echos, deux Directeurs associés du cabinet BCG soulignent très justement une difficulté majeure du télétravail. Ils remarquent que la performance collective est affectée par la disparition des échanges informels entre les gens. Ces échanges sont en effet un ferment de la culture d’entreprise et servent largement à réguler la vie du groupe.

Les collaborateurs les plus jeunes, qui pourtant plébiscitent à 90% le télétravail, sont aussi ceux dont le parcours d’intégration au sein de l’entreprise est mis en risque. Les codes informels de l’organisation, les possibilités de bénéficier de l’expérience de leurs aînés : autant de précieux éléments que la distanciation physique empêche de recueillir.

Les technologies facilitent la communication à distance. Mais une grosse partie de la communication non-verbale est très difficile, voire impossible à détecter. Pas étonnant que dans l’étude de 2021 précitée, seulement 8% des managers s’estiment tout-à-fait certains de pouvoir détecter une situation de mal-être ou de difficulté dans leur équipe. Une vigilance accrue est donc nécessaire pour éviter de “perdre” des collaborateurs. Le maintien de journées de présence physique au sein de l’entreprise me semble également indispensable chaque fois que c’est possible.

Poste de télétravail

Enfin, l’essor du télétravail a révélé l’évidence : le télétravail est une activité de travail et réussir nécessite de disposer d’un environnement de travail de qualité. Siège, bureau, écran, lumière, l’ergonomie du poste de travail est à prendre en compte sérieusement. D’ailleurs 45% des salariés interrogés en 2021 déclarent que le télétravail a entraîné une dégradation de leurs postures de travail (troubles musculo-squelettiques notamment). 33% évoquent un sommeil dégradé, et 25% une dégradation de leurs comportements alimentaires. Il y a donc besoin de mettre en place un véritable cadre de travail à domicile. L’improvisation qui a régné dans les premières semaines du confinement en 2020, doit faire place à l’élaboration d’un véritable poste de travail à domicile. Lorsque cela n’est pas possible pour des raisons matérielles, l’option de rejoindre un espace de coworking à proximité du domicile est également une option intéressante.

En conclusion : quelles précautions prendre pour réussir son télétravail ?

La crise Covid a incontestablement été le signal de la généralisation du télétravail pour les métiers qui le permettent.

Le télétravail offre au salarié une souplesse et un confort de travail dans la plupart des situations. Mais il y a des précautions à prendre pour réussir son télétravail. :

  • Prendre les mesures nécessaires pour éviter l’isolement des collaborateurs et la perte du sentiment d’appartenance. Par exemple : point d’équipe hebdomadaire en physique, point individuel hebdomadaire avec le manager, évènements en équipe pendant l’année, etc.
  • Ouvrir des espaces d’expression pour les collaborateurs et l’encadrement : difficultés quotidiennes avec le télétravail, bonnes pratiques, éviter les non dits
  • Fournir une infrastructure performante : connexion, matériel, siège ergonomique, bureau, par exemple en mettant à disposition des collaborateurs un catalogue de matériel référencé. Le financement peut provenir en tout ou partie de l’entreprise.
  • Au sein des équipes, mettre en place des actions de formation pour développer les compétences d’adaptation. En effet, le télétravail est un environnement différent. Les modes de communication des uns et des autres peuvent changer par rapport à l’environnement de travail physique. Par exemple, tel collègue habituellement très sociable, peut subitement rester très en retrait dans les interactions à distance. Mieux appréhender la diversité des profils de personnalité et comprendre pourquoi les interlocuteurs réagissent différemment de soi est un bon moyen de développer l’adaptabilité sociale.
  • Renforcer la vigilance sur les signes de malaise ou de souffrance psychologiques. On peut utilement proposer un diagnostic régulier du bien-être au travail.

Le télétravail est une formidable opportunité d’améliorer le bien-être et productivité sous certaines précautions. Faute de quoi il peut devenir une malédiction pour le collaborateur (souffrance, échec, isolement)et pour l’entreprise (chute de la productivité collective).

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